Marin Ledun : la guerre des vanités.



Tournon, dix mille habitants, petite ville de la vallée du Rhône recroquevillée sur elle-même et balayée par le souffle glacial du mistral. Immobile, presque éteinte. Jusqu’à ce qu’une série de suicides d’adolescents vienne perturber le fragile équilibre de la cité et libérer les vieux démons qui y sommeillent.

Le lieutenant Alexandre Korvine est dépêché sur place pour enquêter. Plus habitué à traquer les dealers et à pratiquer des autopsies qu’à fouiller les placards et feuilleter les albums de famille, il entame rapidement une descente aux enfers. Trois jours de chasse à l’homme qui voient la ville mourir à petit feu et entraîner ses enfants dans un processus autodestructeur. Trois jours de chaos au cours desquels Korvine, usé, hanté par son propre passé et au bord de l’explosion, se transforme en missionnaire pour tenter de percer le secret qui ronge les parents des suicidés.

Un secret en forme de nature morte, composé de portraits en trompe-l’œil. Mensonges par omission, suspects commis d’office, vidéos compromettantes et étranges résultats d’analyses médicales. Une guerre que Korvine doit mener seul sans jamais céder un pouce de terrain, quitte à se transformer en bombe humaine au service de la vérité. Là où précisément tout se complique…

Tournon est une petite ville jouxtant le Rhône. Comme toutes les métropoles, elle possède ses particularités. En effet, s'il semble y faire bon vivre, des bataillons de gamins s'y suicident pourtant par paquets de douze dans un laps de temps proche du temps de saillie du homard. Qui se défenestrant, qui s'ouvrant les veines, qui visionnant les conférences de Ribéry en boucle, c'est à la guise de l'imaginaire...
Le lieutenant Korvine, tout comme la jeunesse de Tournon, est malade. Cancer. Dans sa poche, les derniers résultats d'examens qu'il se refuse d'ouvrir. Il en connaît déjà la sentence, définitive. A Tournon, il se trouve également en pays de connaissance. Quatre ans d'internat. Quatre ans d'enfer. C'est dire s'il porte la ville et ses habitants dans son coeur. Il y revient à contre-coeur pour un dernier baroud d'honneur. le nombre de suicidés poursuivant toujours son décompte infernal...
Dix pages, pas plus, pour devenir accro au récit.
Des phrases courtes, sèches, qui vous pilonnent le cortex. Un contexte malsain en diable. Un scénario rythmé et totalement anxiogène. Ledun frappe fort et juste !
Oui mais voilà, si le canevas passionne, sa finalité laisse en bouche comme un p'tit arrière-goût d'inachevé. Korvine, flic direct et désabusé plutôt sympathique, voue une passion sans bornes au tournage en rond et au plantage récurrent dans les grandes largeurs. Tout comme soeur Anne, il ne voit rien venir. Un léger problème de myopie j'imagine...
La question qui me taraudait tout au long de cette lecture : « Comment Ledun allait-t-il retomber sur ses pattes tout en se révélant plausible ? ».
J'attends toujours. Tournon a délivré ses secrets. Il reviendra à chacun de considérer la résolution de cette enquête comme potentiellement vraisemblable. En ce qui me concerne, n'était un ultime chapitre alambiqué, cette guerre des vanités tapait dans l'excellence pour finalement se contenter du très bon !
Korvine a livré bataille. Un combat obsessionnel, âpre et sanglant. Désormais Tournon compte ses morts dans la douleur, la honte et le recueillement.

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