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Affichage des articles du novembre, 2016

Greg Egan : La cité des permutants

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À être une copie de soi-même, est-ce continuer à être soi-même? C'est la question que se pose Paul Durham tandis qu'il multiplie ses doubles informatiques. Et il fait une découverte bouleversante : c'est qu'un univers virtuel conçu d'une certaine façon n'a plus besoin d'un support matériel pour exister. L'univers réel peut disparaître, le virtuel poursuivra son expansion. Eternellement. Paul Durham se demande avec quels êtres peupler sa Création. La Cité des permutants est probablement le livre le plus novateur de ces dix dernières années. Greg Egan, Australien, est l'étoile qui monte au firmament de la science-fiction mondiale. En fait si il ne s'agissait que du propos et des réflexions vertigineuses qu'entraînent sa lecture, ' La cité des permutants ' serait selon moi un classique de la science fiction au même titre que 'chroniques martiennes' ou 'Ubik' et pourquoi pas '1984'. Ce qui empêche Egan d'atte

Patrick Roegiers : La nuit du monde

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Marcel Proust et James Joyce se sont vraiment rencontrés le 18 mai 1922, au Ritz, dans mon roman. L’amour de la nuit, la solitude, l’état déplorable de leur santé, l’insularité de leur personnalité, l’ampleur de l’œuvre, la folie de la langue, mais aussi les phobies (les rats pour l’un, les chiens pour l’autre), l’amour des chansonnettes (ils adorent « Viens Poupoule »), tout les rapproche. Marcel vient de terminer La Recherche, James de publier Ulysse. Un coup de foudre en amitié unit ces deux génies qui se tutoient. Dans la seconde partie, Proust décède. À son enterrement, au Père-Lachaise, se presse le gotha de la littérature. Homère, Shakespeare, Molière, Diderot, Kafka, Calvino, Barthes... La disparition d’un écrivain contient celle de tous les autres. Et Proust en personne assiste à sa mise en terre. La fiction l’emporte sur le Temps. Les grands écrivains ne meurent jamais. Rencontre entre Proust et Joyce intéressant par la comparaison entre Ulysse et la Recherche : polyglotte

William S. Burroughs : Junky

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"On devient drogué parce qu'on n'a pas de fortes motivations dans une autre direction. La came l'emporte par défaut. J'ai essayé par curiosité. Je me piquais comme ça, quand je touchais. Je me suis retrouvé accroché. La plupart des drogués à qui j'ai parlé m'ont fait part d'une expérience semblable. Ils ne s'étaient pas mis à employer des drogues pour une raison dont ils pussent se souvenir. Ils se piquaient comme ça, jusqu'à ce qu'ils accrochent. On ne décide pas d'être drogué. Un matin, on se réveille malade et on est drogué." Premier ouvrage de Burroughs, Junky décrit la réalité crue d'un héroïnomane en errance, doué du regard terriblement lucide de l'écrivain. De New York à Mexico, William Lee, double romanesque de l'auteur, fait l'expérience de la came, de la privation, de la prison et de la fuite ; il apprend "l'équation de la came", qui n'est ni une jouissance ni un plaisir, mais un mode de

Henry Troyat : Catherine la grande

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Quelle irrésistible ascension que celle de la petite princesse allemande Sophie d'Anhalt-Zerbst, née en 1726, et qui, à trente-six ans, accède au trône de Russie sous le nom de Catherine II ! Eprise de la culture française, mais ayant appris le russe pour mieux comprendre son peuple, libérale dans ses amitiés - Voltaire, Diderot, d'Alembert - mais autocrate en son gouvernement, pudibonde en paroles mais d'un insatiable tempérament, travailleuse acharnée mais aimant les enfants, les arbres, les animaux... telle fut Catherine la Grande. " Ce roc de volonté est d'une structure complexe ", écrit à son sujet Henri Troyat, et il fallait son acuité d'analyse pour en dévoiler tant d'aspects réconciliés dans un extraordinaire goût de vivre et de régner. Cette biographie a obtenu le Prix des Ambassadeurs en 1978. C'est un destin bien singulier que celui de Sophie d'Anhalt-Zerbst, une petite princesse allemande qui finira par diriger la Russie sous le n

Robert van Gulik : Le Monastère hanté

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Le Monastère hanté (The Haunted Monastery) est un roman de Robert van Gulik , publié à Kuala Lumpur en 1961 . Il met en scène le juge Ti et sa famille. Selon l'ordre chronologique des aventures, il s'agit de la huitième enquête du magistrat. L'action se déroule dans le district de Han-yuan en 667 . Le juge et sa suite - femme, enfants, serviteurs au grand complet - sont sur la route du retour de congés passés dans la capitale. Peu avant la nuit, ils se trouvent pris dans une violente tempête et sont forcés de chercher refuge dans le monastère du Nuage Matinal, seule habitation dans le voisinage. Accueilli avec respect, le juge se voit contraint à des devoirs dont il se serait volontiers passé : présenter ses respects à l'ancien précepteur impérial, en retraite au monastère, et assister à la fête des Mystères, qui a lieu précisément en ce jour. Témoin d'une scène fugace et intrigante, (Un guerrier revêtu d'un uniforme vieux de plusieurs siècles étreint une fe

Gilbert Sinoué : la nuit de Maritzburg

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En 1893, Mohandas Karamchand Gandhi part en Afrique du Sud pour défendre les intérêts d'une entreprise indienne. A Durban, en 1904, il fait la connaissance d'un allemand, Hermann Kallenbach, avec qui il va partager une amitié fusionnelle homosensuelle et hors du commun par son intensité et les conséquences psychologiques qui en découleront. Un titre énigmatique : La nuit de Maritzburg .... Que s'est-il passé cette nuit là ? et où se trouve Maritzburg ? Voilà comment j'ai perçu ce livre , je m'y suis intéressé lorsque j'ai appris qu'il était écrit par Gilbert Sinoué, dont je voulais lire les œuvres depuis longtemps, et surtout le thème m'a tenté. Car cette nuit là, une résolution est née pour devenir une idéologie, un mode de pensée et de vie . Cette nuit là, un grand homme est né : Gandhi. "Il arrive que le destin d'un homme bascule, un jour, quelque part, à un moment précis de son existence. Cela se passe à Maritzburg." En effet ce livre

Racine : Andromaque.

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Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort... Pris dans une chaîne amoureuse sans issue, comment pourraient-ils s'en sortir? De fait, quand le rideau s'ouvre, tous les éléments de l'étau tragique sont déjà prêts à se refermer sur les personnages : prisonniers de leurs passions, leur perte est inéluctable. Racine orchestre avec délectation leurs débats impuissants, leurs actions désespérées, et leur terrible fin, pour le plus grand plaisir du spectateur et du lecteur. Modèle par excellence de l'écriture classique, Racine n'en reste pas moins d'une modernité étonnante : sa peinture des rapports humains et sa connaissance du coeur amoureux touchent peut-être plus que jamais. En particulier dans Andromaque qui est sans doute, avec Phèdre, la tragédie où la passion amoureuse est la plus dévastatrice. Et sur scène, depuis sa création en 1667, le succès ininterrompu d'Andromaque est la preuve vivante de cette mod